Thursday, May 24, 2007

Agenda #11 - The American Mind and Literature

Il faut aussi que je fasse la carte de ce débat, autour de l'université, le multiculturalisme, la théorie, la culture - avec le rapport de la littérature au politique comme crux. A partir d'Allan Bloom donc, et le succès de librairie de The Closing of the American Mind. Une chronologie de ça, et une bibliographie.

Dont :
. Alvin Kerman, The Death of Literature. Yale UP, 1990. Ricci l'indique pour un point sur "the vocational limits for English professors".
. bien sûr aussi, Ravelstein, de Saul Bellow (2000). Mise en fiction de la figure d'Allan Bloom (et du drame contemporain de la culture). La préface que Bellow a écrite au livre de Bloom n'étant pas pour rien dans son succès public.

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Wednesday, April 11, 2007

Les Etats-Unis, l'Amérique, et l'Ouest - par la littérature

Tiens, une question de (géo-)politique culturelle toute simple, dans le fait que la question du Literary Canon, qui a préoccupé le débat plus ou moins public aux Etats-Unis depuis les années 80, est celle du Western Canon. Rencontre-t-on la question d'un American Canon dans ce débat? Bien celle de American Literature, oui. Mais American Canon? Quelle différence se fait, là? Quel rapport à la nation, et de la nation à la culture? La littérature en particulier - comme un des lieux où la question de la culture semble peut-être créer un espace alternatif, protégé peut-être, par rapport au rouleau compresseur du thème multiculturaliste où les conservateurs de tous poils voient une politicization indue de l'univers académique, de l'éducation nationale, et de la vie culturelle. Quelle opération, exactement, de dépolitisation - par la littérature, et par la géographie culturelle imposée par là.

Et comment ça articule ou désarticule le lieu commun entre le littéraire, le savoir, et le politique. Encore une fois, classique, par la question de ce qui déborde le national.

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Sunday, April 08, 2007

Theory et Bad Writing

Il faut donner bien sa place, dans l'histoire de la Theory, et avec ses répercussions sur ce qu'on peut continuer à explorer de la théorie en France, des années héroïques et de l'ordinaire théorique qui suit ou reflue, au thème américain de Bad Writing.
. Question de lecture. (Que je rencontre étonnamment vive, étonnamment épaisse comme problème - la poutre toute entière dans l'oeil, ou dans le gosier quand il s'agit de négocier un dialogue across cultural difference - dans l'enseignement ici, and beyond.)
. Question de traduction : l'anglais a un air tout gauche, et affecté - ce n'est pas trop dans ses habitudes -, c'est sûr, à faire le miroir des ciselures de discours de Barthes, de Derrida, de Lacan, leurs propres affectations incluses. Et l'effet se charge d'un contentieux culturel ancien entre l'Amérique et la France, une méfiance. La question du langage (et de la littérature - tiens, voilà : il y a des "âges" littéraires, tels, que d'autres ne le sont peut-être pas [Poe et le Brevities] ; il y a des cultures littéraires, telles que d'autres ne le sont paut-être pas [voir Tocqueville vol. 2, que je rechigne à entreprendre]) y est une veine sensible. Cumulativement.
. Question d'intertexte, de tressages de lectures, de citations et effets d'allusion, name-dropping, les noms magiques, aussi. C'est une pratique, bien enserrée dans son contexte de pratiques discursives (discours de l'éducation, discours des colleges - au-delà de ça?), autochtone : voir Cusset sur la survey et les readers, et même Said sur le naming, contre le "when the hard work begins" de la vie politique et culturelle une fois qu'on a nommé une nation ("The Politics of Knowledge".) Prendre les noms pour leur pouvoir. C'est encore une question de lecture.
. Question de l'isolation de l'université dans la société américaine. Son discours pouvant s'enrouler sur lui-même à loisir (argument de Bill Readings dans son diagnostic de l'asphyxie de l'université). Argument tout prêt pour les anti-théories. Ce statut reste encore un mystère pour moi, et je voudrais squeeze more out of Cusset ou Graff là-dessus : but can't.
. Question d'anti-théorie, tout à fait transculturelle, enfin. Les "philosophistes" de Ferry et Renaut, côté français, par exemple. "Jargon", le mot même est en commun. Mais c'est "Bad Writing" qui m'intéresse - quand on sait que "writing"/écriture est le mot-concept peut-être capital : du Barthes de Critique et vérité et onwards, de Derrida surtout. Le mot opératoire qui permet à la théorie littéraire, et aux redistributions entre concept et langage, par exemple entre philosophie et poème qu'invente la théorie littéraire des 60s-70s (Sollers l'arrête en 1980, dans la préface à la seconde édition de Théorie d'ensemble, je crois me rappeler), de devenir l'un des lieux actifs de la création épistémologique, et de la prise critique sur le contemporain, du temps. Un des lieux vifs des "conséquences innombrables" ouvertes par la linguistique saussurienne.

Note de Cusset sur Butler, French Theory p. 210 : "Elle a même remporté en 1998 le concours annuel du 'jargon académique' (Bad Writing Contest) organisé à titre parodique par la revue universitaire Philosophy and Literature".

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Tuesday, March 27, 2007

Culture littéraire - ou pas ; plus ; autrement

A l'invitation de GD, je lis les Brevities de Poe - elles donnent une mesure, étonnante, d'une histoire de la littérature. Un âge des literati. Et de combien on a passé hors d'un temps littéraire.
Entre 1835 et 1850, Poe publie, en groupes de diverses dimensions et grappes changeantes selon caprice et opportunité, dans des périodiques et selon divers modes d'importance éditoriale, ses Pinakidia ("or Tablets"), Marginalia, Supplementary Pinakidia, Literary Small Talk, A Chapter of Suggestions, Fifty Suggestions, Supplementary Marginalia.
Woolf aimait aussi cette littérature de l'essai et de la fantaisie, cette littérature de "the Obscure", cursive et eccentric - c'est en quoi elle est littéraire, formée entièrement à la littérature anglaise, essentiellement lectrice et lettrée (ce qui n'est pas scholarly, justement, par non-passage positif à l'université. Il y a la question des femmes et de l'éducation ici, centralement : une question de statut social des femmes et de fonction politique de la littérature vernaculaire, contre les lettres classiques de la socialisation patriarcale). En quoi elle est plus encore 18ème et early 19ème que victorienne par son père historien de la littérature anglaise. Mais c'est en quoi aussi elle débouche sur le moderne. Et prend dans le moderne toute une généalogie de la littérature, en passant par Montaigne.

La culture, le milieu culturel que font remonter les Brevities : une société où l'allusion littéraire est la monnaie courante ; où on peut s'intéresser aux tidbits et autres gossip comme discours de reconnaissance et de vie sociale, culturelle. Où cette agitation des lettres est assez courante pour fournir un lectorat ordinaire aux journaux divers et nombreux et plus et moins importants - l'ordinaire, le mineur (GD) de ça étant la mesure de la currency. Périodiques où des informations et anecdotes d'histoire littéraire [anecdote : unpublished, not given out - informel, non officiel ; là où Woolf trouvait son délice de la "modern biography", avec Montaigne déjà, et contre les classiques marmoréens et publics] peuvent servir de "fillers" : assez de valeur de distraction pour remplir plaisamment des coins de mise en page.

Un point intéressant, qui semble une dimension nécessaire de ça : le problème du plagiat, dans les termes belletristic de la copia et de l'invention (si on se met dans les termes d'une éducation classique, qui semble être audible comme sous-texte, en particulier évident dans la densité de citations de lettre latines et grecques), de la compilation : common-place books. Entre les langues : latin, grec, français beaucoup aussi.

Je recueille les grappes de mots qui forment le ton de ce milieu discursif (de Poe, et de son éditeur de 1985, Burton R. Pollin, NY, Gordian Press) :
  • du titre les Pinakidia, Poe dit qu'il y entend un grec pour anthology (et associe au précédent de Dionysius of Halicarnassus) - compendia of "general literature"), compendia, sources, erudition, scraps of learning "at second hand" (Poe). "audacious pilferers" (et chaînes d'emprunteurs, passant entre les langues et les siècles - dont Isaac D'israeli's Curiosities of Literature, 1791-1823, anecdotes sur des personnages historiques, "unusual books and habits of book-collectors", suffisamment established pour que son fils Benjamin devienne premier ministre de Victoria - auteur également d'un An Essay on the Manners and Genius of the Literary Character, 1795, Woolf encore - Bielfield's Universal Erudition, Bryant's Mythology, and Montgomery's Lectures on Literature.) Aussi : La Rochefoucauld, Colton, Burdon, Landor). Il s'agit aussi d'un jeu de culture donc, trivia and the day's trivial pursuit ; jeu de code jeu de piste : donner des clues au lecteur pour retrouver les sources, etc. Autre well-tapped source : Father Dominique Bouhours, La Manière de bien Penser, que Poe cite sous le nom de Guez de Balzac. "Erudite 'teasers'", dit Pollin. Poe se plaint lui-même, plaisamment, de "the class of willful plagiarists... who plunder recondite, neglected, or forgotten books" (Marginalia 198). Woolf parle de antiquarians il me semble. Poe de Memorabilia Literaria.
  • tirés de : notebooks, common-place book of memoranda,
  • cullings, tidbits, items, scraps (ici on tout près de Woolf). Curiosities (il y en a dans Dickens, encore un fantaisiste). Notes, tales and sketches. Publiés par exemple dans des gift books pour la saison de Noël.
  • premières phrases de l'introduction des Pinakidia (p. 1 dans l'édition de Pollin) : "Under the head of 'Random Thoughts,' 'Odds and Ends,' 'Stray Leaves,' 'Scraps,' 'Brevities,' and a variety of similar titles, we occasionally meet, in periodicals and elsewhere, with papers of rich interest and value - the result, in some cases, of much thought and more research, expended, however, at a manifest disadvantage, if we regard merely the estimate which the public are willing to set upon such articles. [...] for the most part, these 'Brevities,' &c. are either piecemeal cullings at second hand, from a variety of sources hidden or supposed to be gidden, or more audacious pilferings from those vast storehouses of brief facts, memoranda, and opinions in general literature, which are so abundant in all the principal libraries of Germany and France. [...] impudent and silly [...] stolen wares, theft." Autre volumes sources qu'il mentionne : Bibliothèque des Memorabilia Literaria, Recueil des Bonnes Pensées, Lettres Edifiantes et Curieuses, Literary Mémoires, Mélanges Littéraires, Pièces Intéressantes et Peu Connues, Curiosities of Literature, Literary Character, Calamities of Authors (ces 3, de D'Israeli).
  • il faut y mettre aussi donc : mélanges, miscellany, et satire Ménippée.
  • et une dimension trans-langues et trans-cultures, qui fait une République des lettres. Tout un âge, là encore. "General literature", dit Poe.
  • factitious erudition, irony, banter ; "impudent and silly" - to pique curiosity. Le jeu de mot sur "original" dans l'introduction aux Pinakidia : d'origine, et contre-canonique ("fresh, unusual and not copied" dit Pollin, distinct de "primary or earliest"). Jeu. Une socialité donc, par les lettres. Et par les livres, même.
  • écriture : "the relaxed ease of the short discursive essay," écrit Pollin, "so different from the neat and predetermined construction that he had always demanded for the tale and the poem". Sure : composition.

Quelque chose à voir avec le privé-public (anecdotes, unpublished, "obscure"). La littérature en fragments et en mineur comme distraction, et comme socialité. La littérature comme manière, aussi, et question du character. Où Woolf tire la ressource du sujet moderne. Mais la littérature n'est déjà plus le sol. La question du modernisme est l'art. Il s'agit d'autre chose. Et Woolf passe au roman.

Savoir bien sûr aussi la fortune des Brevities avec Baudelaire (les fusées) et Valéry (le journal - Valéry traduit Quelques fragments des marginalia, 1927). Julio Cortazar les traduit en Argentine en 1956.

Quelque chose à voir avec les Caractères, les Moralistes et leur poétique du fragment (qu'on dit - mais il s'agit du bref, bien sûr - dans son lien avec éthique poétique) et de la note, La Rochefoucauld, Joubert, (avec Renard, et le Journal des Goncourt, on est passé à autre chose déjà, je crois). Les Maximes, et les Minimes (Adorno).

La petite littérature.

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Sunday, February 11, 2007

La théorie littéraire hors du champ littéraire

Oui, aussi : "avoir de la littérature", et quelque chose de bien compris en séminaire de théorie à Brooklyn College : que la "théorie" française a peu marqué les pratiques insitutionnelles des départements de English ici ; que ce n'est pas primordialement en Littérature qu'on l'a reçue et retravaillée ; que c'est bien pour ça qu'elle ne circule pas sous la formule de "literary theory" mais de "theory/Theory" tout court ; que son effet spectaculaire a été plutôt dans les nouveaux champs frayés puis inscrits dans le tissu institutionnel -- Queer Studies dans le sillage de Foucault, et les carrefours des Women & Gender Studies, Postcolonial Studies etc. dans le sillage de Derrida ; et, j'avais moins regardé de ce côté mais il faut le voir bien, en particulier parce que ça situe et fait résonner aussi le travail anglais des Cultural Studies : Film Studies, Media Studies.
En littérature, la Comparative Literature comme plaque tournante effectivement (et des lieux comme Yale French Studies).
Le plus intact semble être le niveau undergraduate des English departments donc. Puis, naturellement, le hiatus qui fait que les étudiants de MA, du même département, ont eux ces repères discursifs. Mais acquis où? et quelle formation ? - ma vraie question. Un étudiant du séminaire actuel parle d'avoir beaucoup lu (lu - avoir de la littérature en théorie, donc), mais d'en avoir gardé peu et confus ; plusieurs autres parlent de problèmes d'intimidation.
Puis il y a cet ingrédient très actif, je le sens de toutes parts et régulièrement dans mes traversées et commerce : le cosmopolitisme de la référence française. Il y a quelque chose de politique, évident, repérable même, dans l'interculturel là. J'ai toujours hâte de voir ce qu'en dit Cusset. La valeur de la référence française pour le public universitaire et intellectuel américain. Toute une épaisseur d'histoire ; toute une complexité d'enjeux. A voir.

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Wednesday, February 07, 2007

Avoir de la littérature

Voilà, un caractère que je reconnais maintenant de la pratique universitaire de la littérature (English) aux Etats-Unis : la littérature se lit, beaucoup, longuement et largement, en volume - plus que dans les universités françaises que je connais. Les étudiants s'attendent à avoir de longues lectures à faire pour chaque cours. On ne s'étonne pas d'avoir à passer, pour un cours d'un semestre, dans la Divine Comédie, Don Quichotte, Anna Karénine, un bon Dickens, Madame Bovary. En passant deux ou trois semaines sur chacun. Les bons étudiants et les collègues ont de la littérature (tiens, je viens de lire René Wellek sur l'histoire de "literature" depuis Rome), une culture.
Le premier discours qu'on tient sur la littérature : enjoy, read, experience - connect with. Response papers. On parle de son expérience de lecture, how does it make you feel? Alors les masques et écrans ordinaires : le personnage, les sentiments de l'auteur. [nb : sujet type pour les devoirs de Français de la génération de mes parents : "Description et analyse des sentiments"]. On a beaucoup de mal à attirer l'attention vers la langue et le comment ; vers le précis et la lettre. Pour arriver au signifiant il faut une marche forcée, patiente.
ça m'intéresse. J'ai envie de me le laisser entendre, et trouver comment faire avec dans l'interaction en cours. Question d'éthique. Et oui des savoirs éthiques qui se forment dans la lecture de la Great Tradition de Leavis - George Eliot. C'est délicat, il faut y aller avec une attention, c'est une question fine de l'historicité. Etre celui qui experiences, ou devenir celui, devant, de l'experiencing.
Avoir des lettres. La littérature comme culture : un savoir moral et social, culturel et personnel. Bildung, ensuite. Woolf et l'éducation at home par la littérature anglaise (et sous l'égide du père historien et biographe de la littérature, Leslie Stephen Mr. Victorian-Letters). Les lettres comme capital culturel, aussi, naturellement : comme bagage du gentleman. Rafinement des moeurs, et artistocratisme.
M'intéresse, d'approcher ces zones des savoirs humanistes et libéraux. Tradition, culture, et leur fonctionnement par infusion, anti-technique, anti-objectivations. Des choses fines à y savoir, de la nature d' histoire. Dans Tocqueville sur la vie des peuples, la vie comme culture.
Tradition, culture, littérature : concepts d'une droite douce, conservatrice, et qui sait ce qu'elle conserve. Une théorie des sociétés. A récupérer comme source et lac, pour une finesse critique.

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