Tuesday, August 21, 2007

L'Europe société de la connaissance

Les nouveaux rapports du savoir-pouvoir, toujours. L'expertise, et l'influence (ces acteurs contemporains que sont les "marchands d'influence"), comme mode du rapport au politique. Et l'Europe, comme un de leurs terrains privilégiés. L'Europe est un lieu majeur de la modernité du politique actuellement - autre chose que la mondialisation, autre chose que le rapport postcolonial, mais tous ensemble modes nouveaux du national, post-national.
Je reçois cette pub du European Training Institute - complexe éloquent, représentatif, pour moi, de cet état du savoir-pouvoir : des organismes de formation d'un type nouveau, écoles professionnelles et lieux de passage pour des formations continues, points d'amarrage provisoires dans les parcours flexibles des carrières ; bases pédagogiques d'un enseignement technique qui vient se placer dans le paysage des établissements en déplaçant l'ensemble de la carte vers les logiques néocapitalistes de la "société de la connaissance". Poussent dans le même sens que les think tanks, la professionnalisation des diplômes universitaires, et le renversement de la logique de recherche en celle du R&D - dans laquelle s'effrite la notion même de science, douce ou dure.
L'Europe est donc quelque chose à quoi il faut se former, à une technocratie spécialisée. Les termes de la pub pointent précisément :
. l'enseignement est un training - et l'établissement un institute. (En France aussi on appelle Institut les innovations dans la carte des établissements du savoir - cette introduction critique lève le cran d'arrêt d'une structuration de la valeur scientifique, et vient poser la question de la valeur : tout y est a priori possible, du critique à l'idéologique.)
. les European Public Affairs (and Lobbying, dit le site de l'ETI) relèvent d'une formation technocratique : ça déplace la question du public. On en revient à la question de "l'élite" de la "connaissance". Le dérogatif "élite" sert à un populisme de droite pour attaquer à la fois le scientifique et le public, et à accompagner de commentaire satisfait le Parti socialiste dans sa ruine - c'est toujours ça de gagné. Par cet embrayeur discursif contre-critique qui échange les valeurs de scientifique et de "connaissance" : elle, bannière de la modernité, avec ses fictions de démocratie égalitaire (autoroutes de l'information) et son bouclage technocratique, qui kidnappe le politique. Il en va donc de la nature publique du savoir comme bien commun - à cela, répondre par la coopérative critique.
. "fully interactive" est intéressant aussi. Il faut du participatif - plus de lecteurs, plus que des auteurs - , et de la métaphore informatique. L'information comme interaction : cette fiction contemporaine aussi. Quel enseignement, quel dialogue, quelle lecture, ne sont pas interactifs? et d'autre part, proposer l'interactif (référence au jeu vidéo - c'est ce qui me vient à l'esprit dans l'écoute culturelle du mot) comme mode de l'intersubjectif politique, c'est l'orienter très agressivement, très-idéologiquement, dans le canal où précipite aussi la "connaissance" : un 1 + 1 du politique. Qui démaille le public.
. "Public Affairs Management" marque, aussi. D'abord "Mangement" est drôle, petit coup symptomatique dont on peut s'égayer - ces bonnes étincelles d'énergie dans de travail critique. Puis : le vocabulaire, et donc le cadre idéologique, de la gestion, commerciale, pour concevoir la vie du public.
. "the best ways of influencing their policies". Bon. La politique comme influence, donc. Logique du lobbying. Qui prend à l'envers, et donc retourne de force, le processus du politique. Et démaille, plus précisément, la démocratie. Aussi : policy contre politique. L'Europe n'est pas une entité politique, d'accord - et tout ramant en sens inverse, s'éloigne toujours de son utopie.
. bien entendu, l'ETI propose des "Public and customised programmes". Au moins il écrit en anglais britannique.

Texte de la pub :

Dear Madam, Dear Sir
European Training Institute is the leading EU training centre in Brussels offering a full range of Programmes ans Seminars dedicated to European Public Affairs.
ETI programmes and seminars are fully interactive. They examine all aspects of Public Affairs Mangement, the working of the European Institutions and the best ways of influencing their policies [MORE INFO]
ETI also makes available a large range of Publications. If you are interested in the EU and European Public affairs, this section presents essential reading [MORE
INFO]
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Each participant to ETI Seminars will receive a free one-month subscribtion to EUROPOLITICS

Et en bandeau sur la page d'entrée du site, comme sa devise : "There is no room for amateurism... Boost your EU Skills". (Entendre dans "skills" les "compétences" comme grilles et calibreurs aux formes desquels on nous demande de réformer l'université et l'école - ce qui devrait en effet permettre leur technologisation-professionalisation). Noter bien sûr, également, que l'alternative au technocratique est rejeté à l'amateurisme. Exclusive professionnelle du politique.
Parmi les objets proposés pour ce savoir contemporain : "comitology" (I just love that. And not just "comitology", but "comitology reform" - why not supersize the process, pour crypter encore un peu le pouvoir), "funding" - capital, naturellement, et nerf de la guerre -, "communication and media", lobbying...

Enfin, une ressource importante : une liste de liens qui donne accès en effet à une immense formation discursive, dont il faut entendre le brouhaha performatif ambiant, et déterminant pour le présent. Liste des sites des institutions européennes, des agences (la notion est à faire parler aussi), des institutions internationales qui sont entées aux questions de la technocratie européenne, statistiques de l'Europe, et outils pour la recherche et l'identifications des acteurs, textes, termes, "jobs" de l'Europe de Bruxelles.

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