Monday, July 23, 2007

Situation - les intellectuels en Amérique, 1947

Beauvoir, dans L'Amérique au jour le jour. 1947, fait l'expérience (crue) des relations entre France et Etats-Unis autour de la question de l'intellectuel. Etincelles avec l'équipe des post-staliniens de la Partisan Review à New York, rapidement. Rapport plus pétillant et plus soucieux, complexe, avec Dwight Mac Donald. Et - c'est autre chose mais comme on est en Amérique (l'ombilic de la démocratie : la situation des noirs dans l'esclavage et post-), et avec Beauvoir et Sartre dans une socialité des cafés des bars des dancings de la vie nocturne du jazz et de la littérature américaine contemporaine, ça compte - avec Richard Wright.

1947 est aussi l'année de la "Situation de l'écrivain en 1947", de Sartre. Sociologie de l'histoire littéraire dans l'histoire. La constellation est donc : l'intellectuel (tiens, comme l'alpiniste, figure de l'héroïsme européen, et plus précisément français, possible après les défaites et les démoralisations troubles de la guerre), la littérature (Qu'est-ce que la littérature ?, 1948, qui recueille l'essai et le place en conclusion), le communisme comme pôle déterminant du présent, l'engagement la gauche et la philosophie, et le concept, outil, de la situation.

La situation : elle est au pluriel dans les titres de la série ; elle résonne avec la condition (humaine, par Malraux, avec une autre disposition du rapport entre art, culture, et société) ; elle se compose avec engagement, dans un horizon phénoménologique. La ligne de tension entre philosophie considérée dans la tonalité phénoménologique (peut-elle être de gauche ? Gauche chrétienne ?), et la société et le contemporain et le marxisme dans l'étau du stalinisme.

L'intellectuel situé : notion de son temps et de son lieu. Qui emmène avec elle l'état des rapports de force politiques et culturels entre l'Europe et les Etats-Unis à l'issue de la Seconde Guerre mondiale ; le devenir de d'Europe comme entité politique ; le rapport, situé, entre pensée et société ; rapport aussi du culturel (art et pensée) au politique, avec sa hiérachisation.

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Monday, May 21, 2007

Situation des intellectuels

Une évidence et un rapport, qu'il vaut mieux ancrer que de laisser flotter hors de vue :
rapport avec la certitude, acquise d'expérience, que les détentes de la pression sociale (sur l'universitaire et sur l'intellectuel) ne peuvent pas et ne doivent pas, sous peine d'écrasement de la personne dans l'individu scientifique, se prendre sur le temps de travail, le plus d' "investissement", le plus d'encadrement pour la "réussite", etc. Jamais un plus, jamais un dehors.
Les pressions pour ces plus sont des actes politiques visibles. Le point de vue syndicaliste sait ça.

C'est à la lecture de Bruce Robbins sur "The Grounding of Intellectuals" (introduction au volume Intellectuals. Aesthetics, Politics, Academics, B. Robbins ed., for the Social Text collective, U of Minnesota P, 1990) que les choses tombent en place dans leur évidence - la thèse étant qu'il n'y a pas à se coincer dans la perspective d'un divorce entre intellectuel et société (où il faudra faire un effort supplémentaire pour se ground en elle), et à faire sur ce paradigme une histoire plombée du côté de l'origine par un Age d'or absolutiste et du côté du maintenant par un déclin (a running to ground), puisque cette représentation est déjà une idéologie. Une théorie, située, du rapport savoir/pouvoir. Autre point de vue organisé par le texte : le travail intellectuel est déjà situé, quelles que soient les - historiquement et politiquement multiples - motivations pour le représenter dans une autonomie par rapport à l'économique, au politique, à l'historique, etc.

La remarque concerne LA figure de l'intellectuel (et la marque au passage par la francité - c'est aussi pourquoi l'étude critique américaine de Stanley Aranowitz, dans "On Intellectuals" du même volume, prend son terrain d'illustration dans le devenir de la gauche de pouvoir sous Miterrand et des "élites intellectuelles") : Sartre :


According to Sartre, "The intellectual is someone who concerns himself with what is none of his business" [dans Plaidoyer pour l'intellectuel, d'après ce que je devine] (12). This definition is self-contradictory. To make something your business, either in the sense of deriving a living from it (though "business" in the sense of "making a living" is not suggested by the French original) or simply by devoting a great deal of time and energy to it, is paradoxically to disqualify that activity as the basis of your identity as an intellectual. It must be, as it were, a hobby, carried on in leisure time, touched only lightly and glancingly in the course of a life centered elsewhere. Sartre's famous call for "engagement" is simply the other side of this coin. Sartre has to indulge in ardent, moralistic voluntarism in order to get inllectuals attached to the world again, for the simple reason that his own definition has assumed their initial detachment from it. [... but, by virtue of the necessary situatedness of intellectuals,]
Book titles that link intellectuals to politics, the state, revolution, reform, modernization invariably fail in their attempt to achieve catchy incongruity. The wishful incongruity between intellectuals and politics dissolves into a historic intimacy. (xv)

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Wednesday, March 28, 2007

Situations

Pour Sartre, la situation est phénoménologique.
Des 10 (?) volumes des Situations, de "Situation de l'écrivain en 1947", du volume II, soit dans "Qu'est-ce que la littérature?"), on peut dessiner un mode sartrien pour penser l'actualité avec le littéraire. Dans l'article sur 1947, il s'agit des 3 générations d'écrivains (le terme, "écrivains", lui-même importe dans cette configuration) actifs à la date, et leurs statuts et stratégies dans la société de leur temps ; il s'agit des questions du roman à thèse et d' "une littérature de la Praxis [qui] prend naissance à l'époque du public introuvable : voilà la donnée ; à chacun son issue. Son issue, c'est-à-dire son style, sa technique, ses sujets. Si l'écrivain est pénétré, comme je suis, de l'urgence de ces problèmes [quand d'autres choisiront des biais où la solution est à tenir "pour la plus abjecte saloperie et la justification de toutes les mauvaises fois", 213], on peut être sûr, qu'il y proposera des solutions dans l'unité créatrice de son oeuvre, c'est-à-dire dans l'indistinction d'un mouvement de libre création" (316).
La contrainte d'être embarqué, d'être toujours déjà, situé. Dans le "monde". Ici la situation est un "donné". Et en regard, l'effort, le poumon artificiel, de la "liberté". A arracher, c'est sûr. A l'arraché. Et l'art (le style) pour l'arraché.
N'empêche.

Chez Meschonnic, "situer" est une pratique critique première, ou radicale - au sens de Saussure. Et elle est discursive. Un moyen de tout travail - le travail même de la poétique. Comme activité critique. Par l'idée, Benveniste, qu'on naît dans le langage.
Je n'ai plus en tête comment se fait, sur une échelle de l'implicite à l'explicite, le rapport à Benveniste, concernant la pratique du situer. Mais certainement il s'agit de la situation d'énonciation - qui me le rappelait récemment? Instance. Le tranquille de ce temps, tout croisé d'enjeux et d'urgence certainement, mais c'est comme ça. C'est là : le présent du politique. On y est. L'incidence du travail intellectuel et universitaire et du speech act politique ordinaire.

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