Sunday, September 24, 2006

Economie politique des langues

Un article de Robert Phillipson, "English, A Cuckoo in the European Higher Education Nest of Languages" (EJES 10: 1 April 2006), rassemble certains des arguments en cours dans l'analyse et la critique, politico-linguistiques, de l'internationalisation de l'enseignement supérieur, et du rôle singulier qu'y joue l'anglais. On y retrouve des arguments connus, mais ils sont ici associés à des repères bibliographiques précis: rapports de la Commission européenne et textes des traités et accords récents; recherche contemporaine dans les domaines de l'impérialisme linguistique et de la mondialisation linguistique, de la citoyenneté transnationale, du rapport de la mondialisation à la traduction, des politiques de l'enseignement, des langues et de l'enseignement des langues, la mondialisation-commodification de l'enseignement (supérieur en particulier) : le nexus habituel.

J'en retiens d'abord quelques formules, qui opèrent comme repères idéologiques - en particulier, gobbets du discours de la mondialisation néolibérale, pratiquement indifférenciable de la langue de bois de l'Europe:
the knowledge society ; the knowledge economy ; linguistic competence ; education as a service; trading in educational services (World Trade Organization, and General Agreement on Trade in Services language) and the labour market ; global literacy : means speaking English ; "international quality" of universities : means being or becoming a competitor in the English-speaking higher educational market. University autonomy, European Higher Education Area, cultural diversity and principle of public responsability for higher education : the sequence of European ritualistic fob-off.

Des formules qui caractérisent, et font pôles, pour les critiques - universitaires, chercheurs en sciences politiques et sociolinguistique ici : commodification of English, and of education ; education as a human right and the university as a public good ; the market for foreign students or "international" students ; languages rights. "The information society of corporate globalisation and multiple networks". G. Steiner, U. Eco, Z. Bauman, E. Balibar cités comme soutenant l'idée de la traduction comme "the idiom of Europe". Et, singulièrement, la notion d'une economics of language comme nouveau champ de recherche.

Voir, donc: François Grin (Université de Genève), figure dans cette recherche sur "Economic Considerations in Language Policy" (dans An Introduction to Language Policy. Theory and Method, T. Ricento, Oxford, Blackwell, 2006), auteur du Rapport au Haut Conseil de l'évaluation de l'école 19 (2005), "L'Enseignement des langues étrangères comme politique publique", téléchargeable donc (document pdf de 127p).

Je retiens enfin:
  • l'analyse d'un "economic rationale [which] requires financial entrepreneurialism for the institution and even the individual scholar"; dans le contexte d'une économie qui tend vers un fonctionnement à base de produits intellectuels plutôt que matériels
  • la question des "formations bilingues" comme pouvant désigner simplement, dans la langue de l' "internationalisation", un MA en anglais délivré par une université hongroise
  • quelques acteurs: la Conférence de Bologne 1999, la European University Association, la European Association for International Education (EAIE), la Foundation for International Education (London),
  • information: "Its English-language industry is a vital pillar of the British economy. [...] Grin conclude[s] that continental countries are transfering to the UK and Ireland at least €10 billion per annum, and more probably about €16 billion to 17 billion a year. The amounts involved completely dwarf the British EU budget rebate of €5 billion annually that has been a source of friction".
  • "eLearning", a facilitator in this market.
  • Phillipson compte "2,000 corporate universities worldwide, including 200 'for-profit higher education corporations in Poland, 600 in Malaysia and 625 in the USA' ".
  • les remarques du linguiste: les monocultures, monolingues, n'ont pas de développement durable. Phillipson parle de "balance [within] strong local language ecologies".

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