Friday, August 25, 2006

Université-emploi

ELB commence à travailler sur le rapport de l'université au travail : ce qui introduit au champ d'une histoire sociologique et politique du travail au 20ème siècle, par l'entrée de Daniel Cohen (et de la nouvelle génération d'intellectuels de gauche, ses disciples et voisins, et le caractère de leurs pratiques de l'engagement, telle que dessinées dans le dossier du Nouvel Obs récent). Introduit, également, à l'horizon des analyses marxiennes, et ses liens avec l'histoire des intellectuels.
Le rapport me paraît toucher à un point d'actualité : un nerf du champ intellectuel et politique présent. Je crois qu'on peut y rassembler :


  • emploi : comme la question sortie de la crise autour du CPE de ce printemps. Pourquoi "les jeunes" sont l'un des publics touchés particulièrement - affectés, attaqués - par la situation de l'emploi et la politique de l'emploi en France en ce moment. Pourquoi la catégorie des "jeunes" glisse vers celle des étudiants - après avoir été, en novembre dernier, celle des jeunes des banlieues, de lignage immigré, et "arabo-musulman". Pourquoi la réponse aux annonces de réformes du droit du travail se fait dans les universités. Pourquoi les universités deviennent le lieu - l'un des lieux, mais aussi le lieu - du conflit social. Stress point d'un présent politique. Si bien que la transformation des termes du débat aboutit, en passant par une référence facile à identifier comme forcée, manipulatrice, à 68 à propos des occupations de la Sorbonne, au grand Débat national "Université-emploi". La commission devait remettre un premier rapport au mois de juin je crois : elle annonçait une page d'information www.debat-universite-emploi.education.fr.
  • professionnalisation : le glissement donc vers la question de la professionnalisation, comme mission et modernité de l'université. Comme formulation moderne de sa mission sociale. Comme formulation, en particulier, de la question de la formation - et le souci de la "réussite" (le terme est associé aux anciens DEUG). Masters "recherche" et masters "professionalisants". Ici à New York on dirait humanistic contre vocational - cette alternative qui est en elle-même un encadrement idéologique. Et on débouche sur le grand champ ouvert de l'articulation de l'université avec la société dans le late capitalism.
  • les transformations du métier d'enseignant-chercheur. Voir le rapport Belloc (2003), après le rapport Espéret (2001). Charles Soulié, sociologue à Paris 8, fait un travail d'enquête et de repérage, à suivre. Il travaille en liaison avec l'ARESER, et je crois qu'il est pertinent aussi d'amener sur le champ de la question le petit volume publié par le collectif ARESER (Association de réflexion sur les enseignements supérieurs et la recherche) en 1997 : Quelques diagnostics et remèdes d'urgence pour une université en péril (Paris, Liber). Travaux liés à l'histoire de Sauvons la recherche (créé en mars 2004 - association toujours active, avec un site internet nourri). On déouche aussi sur la situation actuelle des syndicats.
  • l'histoire contemporaine de l'université, qu'il est important de suivre avec comparatisme : il faut savoir où en sont les institutions britanniques (le collapse étonnamment rapide du Centre for Critical and Cultural Theory de Cardiff, le temps passé aux Research Assessment Exercise et ses épuisements), les institutions publiques américaines. Moment pivot : l'Accord de Bologne, et la réforme LMD. Une histoire plus longue est aussi importante pour une perspective complexifiée sur le présent : par les histoires distinctives du rapport du savant et du politique (voir Weber). Aristocratique? en France, religieux-démocratique en "Amérique" (voir Tocqueville).

L'ARESER indique trois titres sur l'université :

  • De Montlibert (Christian), Savoir à vendre, Paris, Raisons d'agir éditions, 2004.
  • Abelard (collectif), Universitas calamitatum : le Livre noir des réformes universitaires, Broissieux, Ed. du Croquant (coll. Savoir/Agir), 2003. Présentation de l'ouvrage
  • De Montlibert (Christian), "Transformation du système scolaire et stratégies d'appropriation des biens scolaires", Regards Sociologiques, 2002, n°23, p. 113-123.

A voir aussi :

  • La Crise de l'université française : traité contre une politique de l'anéantissement. Nicolas Oblin, Patrick Vassort ; préface de Jean-Marie Brohm. Paris, Budapest, Kinshasa [etc.] : l'Harmattan, 2005.
  • The University in Ruins. Bill Readings. Cambridge (Mass.), London : Harvard UP, 1996.

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