Friday, September 08, 2006

Précisions - pour penser l'à-venir du peuple (tel qu'il est déjà là)

Article à connaître : "Exodus. Coyotes, pollos, and the promised van", de Charles Bowden. Dans la version web, le sous-titre est "Border-crossers forge a new America".

Ni les facilités angélistes de penser l'échange des cultures comme bonheur du métissage. Ni les butoirs où sont arrêtés les pensées encore nationalistes de la mondialisation. Mother Jones ("Smart, Fearless Journalism", even if they do say so themselves - en tout cas c'est bien sympathique) semble faire un travail d'analyse en profondeur, en invitant Bowen et le photographe Julian Cardona, auteur aussi du volume Juarez: The Laboratory of Our Future. Regarde ce qui se passe sur toute la frontière avec le Mexique, comme non pas, non plus, la pratique transfrontalière du "travail saisonnier" (en tant que c'est, pratiquement par définition, par dimension, un phénomène qui appartient au rapport d'étranger), non pas même une "immigration clandestine" organisée, mais maintenant un "exode", et nouvelle forme du Middle Passage. Nouvelles formes de l'immigration, et nouvelles forces aussi: nouvelle puissance de reconfiguration.

Cette information est importante. Délabrant les clichés en chemin, complexifiant, elle fraye une thèse pour penser cette modernité du transculturel. D'Etats-Unis devenant rapidement mexicains; de forces immenses lancées et déterminant des équilibres, et des bascules à venir, à une échelle impressionnante. Des immigrants qui sont l'avenir, la force qui arrive; qui vont déterminer. Une force politique qui n'est pas qu'une menace de déstabilisation, pas qu'un problème politique - de "domestic politics" des Etats-Unis, où la question du rapport à l'international continue à trouver des angles morts - : mais une histoire. Un bouleversement, certainement, qui est sans surprise. Bien plus massif que la première Révolution mexicaine - voir son traitement par les Etats-Unis à cette période (soutien au nouveau régime; effets d'immigrations et refuge politique). Mais sans surprise : l'ordinaire du trans-. Et de la systématicité du politique comme rapport des peuples. Le problème, ordinaire. Il prend aussi sa forme dans le conflit, autre mode de l'ordinaire politique et géo-politique: pas s'en étonner, pas s'en scandaliser, pas s'en paniquer comme une Crise monumentale. C'est le continu de la crise. Il faut en faire l'histoire, et y vivre, l'analyser, au niveau de l'histoire.

Deux points d'accroche:
  • comment la nouvelle pauvreté prend sa force politique. C'est autrement qu'avec les Forums sociaux internationaux, une politique activiste, torturée et empêtrée, freinée, dans le temps de l'intention. Autrement que par José Bové et les collectifs de paysans du Chapas. Autrement que par les modes où les groupes du Monde diplomatique cherchent leurs solutions et leurs utopies : "This is the largest transfer of wealth to the poor in the history of the Western Hemisphere and it dwarfs all the American gestures of aid and all the revolutions that have filled the plazas of Latin America with tired statues. Remittances to Mexico alone are now estimated to be $20 billion a year, a figure much greater than tourism and rivaled only by the drug trade. [...] Were remittances to dry up today - due to amnesty [of illegal status in the US] or a seriously toughened border - the Mexican economy could implode." [...] American employers have inadvertently created the most affluent and politically active generation of poor people in the history of Latin America. Sending them home would detonate the nations they have come from. The politicians all know that." Des équilibres, des systèmes ; ce qui s'écroule, ce qui pousse, histoire tectoniques des peuples.
  • comment relancer une histoire du point de vue sur ces questions de l'immigration. Décaler, déboîter, des ornières (elles sont facilement cartographiables, pour la France certainement). C'est en commençant par retirer ces questions à une première réaction automatique possible, classique: le compassionnel. Répondre à un problème en allant chercher, contre le nationalisme le colonialisme les exploitations, vers la générosité, et peut-être aussi ses traditions d'internationalisme, de gauche. L'article commence par cette étape. Mais il est long - c'est un feature article. Il développe et avance, montre de nouveaux plis de la question et s'y essaye. Le compassionnel comme premier pas - l'usage de la photographie, et sa rhétorique du personnalisant. Mettre des visages sur. Drames au niveau des acteurs. Au niveau des acteurs, drames. Mais non, précisément, problèmes. Mais l'article retire tout de suite l'attention au personnel, à l'individuel : pour montrer la dimension dans laquelle agit ce champ de forces. Pas le rapport de forces (on resterait dans l'idée d'un sujet politique, chef institution ou nation, qui agirait comme un individu, en conscience et délibérément), mais le champ de forces. Unleashed.

Je continue donc à penser trouver mon chemin vers le politique en me détournant des considérations du pouvoir, du gouvernement, de la politique, de l'autorité - mais avec le problème, l'histoire, la conflictualité. L'altérité, en somme (comme histoire). Qui n'est pas un bonheur. Ni une catastrophe. Ni, non plus, une menace de catastrophe (déclin, millénarisme postmodernist, apocalypse, pression pour lamodernisation, paniques de toutes sortes, semblent en être les figures discursives). Il faut, toujours, aller chercher dans le tissu, l'épais, de l'histoire, et de la culture. Les intellectuels irakiens.

La force aussi, en tant qu'elle n'est jamais isolable d'un champ de forces. Foucault alors: les deux concepts, histoire et champ de force (pluralité systématique des forces), nécessairement liés.

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