Friday, August 25, 2006

Livre : La Crise de l'université française

Présentation de l'ouvrage par Henri Amadei - transmise par circulaire mail.
C'est moi qui souligne.

Cet ouvrage (1), sous titré "Traité critique contre une politique de l’anéantissement" mérite une bonne place dans les rayons de l'EDMP et parmi nos lectures.
Pour juger de la qualité de cet ouvrage rien de tel que quelques extraits de cet excellent livre critique récent :

a. De la préface de Jean-Marie BROHM

"Le livre que publient aujourd’hui Nicolas Oblin et Patrick Vassort est un appel à la lutte contre la décomposition libéral-bureaucratique de l’Université, un refus de la liquidation de la culture et des savoirs fondamentaux qui s’effectue au nom de la gestion technocratique des "ressources humaines", de l’adaptation aux "demandes sociales" et de la "professionnalisation" locale des cursus. Les tendances délétères qu’ils dénoncent, à la suite d’autres universitaires, constituent en ce début du XXIème siècle l’aboutissement logique d’un triple processus de démantèlement institutionnel, de rationalisation capitaliste et de liquidation de l’excellence académique [...] Cette destruction programmée de la culture, du savoir et de la recherche, cette déliquescence de l’enseignement supérieur, largement entamée après mai 68 par les divers gouvernements de droite, se sont aggravées sous la responsabilité de la "gauche" gouvernementale qui n’a cessé – au nom de "l’adaptation" à la construction européenne, de la mondialisation des marchés et de l’"esprit entrepreneurial"- de transformer l’Université en une grande surface commerciale, avec ses seuils de rentabilité, sa gestion comptable des ressources humaines et des "stocks" étudiants, ses retours sur investissements, son management autoritaire des locaux et bâtiments et ses objectifs capitalistes de valeur ajoutée [...] Aussi la droite n’a-t-elle eu, tout naturellement, qu’à parachever le travail de déminage effectué avec constance et conviction par la "gauche" politique, syndicale et pédagogique [...] Gauche et droite confondues, la même politique a dès lors fini par laminer en profondeur l’institution scolaire et universitaire ainsi que les grands organismes de recherche [...]
[...] rentabilité économique immédiate de la recherche appliquée, professionnalisation des doctorants, flexibilité accrue des chercheurs, soumission des programmes de recherche aux demandes régionales et patronales, "expertise" des résultats par des cabinets-conseils extérieurs à la communauté scientifique, mise en concurrence des centres et instituts de recherche selon le modèle libéral, chamboulement improvisé des cursus universitaires à coup de circulaires palimpsestes où toute "réforme" peut en cacher une autre dans la précipitation et le bricolage (le cas de la réforme LMD – licence-master-doctorat – est à cet égard un bon exemple de l’improvisation bureaucratique qui gangrène l’Université et met les enseignants-chercheurs dans des luttes de concurrence qui n’ont rien à envier aux célèbres paniers de crabes) . [...]
Dans un tel concert de dénigrement de la pensée et de régression de la réflexion critique, il a fallu – coûte que coûte, et même à contre-courant – faire le pari du concept en tant que force de pensée, force de libération également vis-à-vis de toutes les puissances qui prétendent asservir la pensée, lui assigner des limites ou des objectifs prédéterminés par les instances du pouvoir ou les intérêts du capital . [...]
Le texte incisif de Nicolas Oblin et Patrick Vassort est, à n’en pas douter, un bol d’air revigorant. Il reste cependant que la critique de l’Université, si elle ne veut pas rester une simple lamentation, se doit d’être associée à d’autres critiques institutionnelles et combinée à une stratégie de lutte politique. [...] " (Jean-Marie Brohm)

b. De Nicolas Oblin et Patrick Vassort

"A contre-courant des considérations actuelles sur l’Université, nous tentons au sein de cet ouvrage de penser les stratégies gouvernementales et libérales qui visent à "gérer" l’intégration de cette institution dans le processus global de production capitaliste, avec ses rendements et productivités, avec pour point nodal la compétition généralisée, [...] nous entendons montrer que la rationalisation de l’Université, des sciences, des champs disciplinaires qui la composent, des inter-relations entre l’institution et chacune des ses composantes (étudiants, enseignants-chercheurs, personnels IATOSS …), dialectiquement, engage celle-ci sur la voie de la destruction, de la disparition, de la scotomisation de ce qui permettrait l’accroissement de la vie [...] élites post-modernes qui n’imaginent la démocratie qu’au travers d’un système politique méritocratique. [...] autant d’éléments d’un projet de restructuration en profondeur visant l’assujettissement de l’Université aux visées économiques et politiques libérales [...]Dans un contexte de pénurie bien organisée, de crise bien entretenue, étudiants, enseignants, UFR, laboratoires, universités, sur fond de compétitions économiques et ppolitiquesterritoriales, nationales et internationales, sont soumis, non seulement à des logiques d’obligations de résultats, d’efficacité, de rendements à court terme, mais aussi et conséquemment à un système de valorisation du savoir totalement aliéné aux conjonctures économiques dominantes et qui n’a plus rien à voir avec les finalités culturelles, intellectuelles et humaines que nous devons poursuivre, en priorité, à l’Université. [...]
Les organismes internationaux qui aujourd’hui impulsent les politiques économiques internationales s’intéressent particulièrement aux secteurs de l’éducation qui peuvent devenir un marché porteur sur l’ensemble du globe. [...]
Dans la logique de déconstruction-reconstruction du LMD, de la possible mise en place de la modernisation et du rapport "Belloc" qui modifierait le statut des enseignants-chercheurs pour les placer sous un statut de contractuels locaux,,il est possible d’imaginer des diplômes sans cadrage national, c’est à dire sans possibilité de reconnaissance sur la totalité du territoire Quelles pourraient être alors les conséquences de telles décisions ? Nous pourrions tout d’abord imaginer que l’université, placée sous l’autorité du COS (Conseil d’Orientation Stratégique), institution créée afin de "chapeauter" les conseils centraux de l’université, soit chargée de répondre aux désirs et aux besoins des bassins d’emplois locaux, c’est-à-dire de former les étudiants aux métiers développés régionalement . [...] Tout le reste, les savoirs généraux qui font une culture et apportent une compréhension du monde – les sciences, l’histoire, la géographie, la littérature, la philosophie, les arts, l’économie -, tout cela n’a plus sa place dans une formation de base. [...]
Tout d’abord, soulignons combien les principaux syndicats étudiants – en dehors de quelques syndicats de lutte, tel la FS – passons sur leurs homologues enseignants, sont absents de tout débat essentiel sur la culture. [...]]
Luttons afin que l’Université devienne un lieu du "non encore advenu", "laboratoire" de tous les possibles, creuset de changements sociétaux (au nom de la justice sociale), bouillon et brouillons de la vie, espace d’émergence et de révélation de désirs, où la volonté de connaître soit sans limites ni conditions ![...]"

De nombreuses citations en renvois, des bibliographies en référence.

(1) La crise de l’université française de Nicolas OBLIN et Patrick VASSORT, préfacé par Jean-Marie BROHM, éditions L’Harmattan, Collection "Logiques Sociales", édition-diffusion 5-7, rue de l’école polytechnique, 75 005 Paris ; livre - annoncé pour commandes par l’intermédiaire de l’EDMP -avait, à cet effet, été déposé à notre librairie pendant la Semaine 2006 à Puivert).

(2) Cette présentation du livre "La crise de l'université française, traité critique contre une politique de l'anéantissement, est publiée dans le N° de septembre 2006 de la revue "L'émancipation syndicale et pédagogique" (courriels pour contacts : quentin.dauphine@free.fr ; Raymond.jousmet@wanadoo.fr ; quillateau.patrick@libertysurf.fr ; c.demel@tiscali.fr ; site http://www.emancipation-intersyndicale.org ) Il peut être commandé notamment à la librairie coopérative EDMP, 8, impasse Crozatier, 75 012.

Transmis par Henri Amadei

1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Je retiens de cet ouvrage les citations suivantes qui exposent bien la problématique situation du langage dans la configuration actuelle :


[...] dans l’univers fonctionnalisé et pré-programmé dans lequel nous évoluons, c’est le langage même et le langage d’abord, la langue en tant qu’incarnation de culture – tout est symbolisé, c'est-à-dire signifié par le langage qui est un art, une technique (au sens non instrumental du terme) de symbolisation-, en tant qu’elle donne sens aux mots et vie aux objets, qui est réifiée. Dominique Quessada a bien rendu compte de la réification du langage du fait de son industrialisation, de sa rationalisation publicitaire, associé au produit, il est lui-même devenu produit, valeur de gain de valeur et la fonction particulière à laquelle il est assigné – celle de faire-valoir – implique que l’ambiguïté du langage soit « réduite au maximum, de sorte qu’il assure sa fonction économique en devenant une partie intégrante du produit, et comme sa part lisible » p. 129.
La manière dont on choisit, dont on apprend et dont on enseigne, en dehors des filières littéraires, les langues à l’Université, relève également de cette fonctionnalisation de la culture. La surreprésentation de l’anglais le prouve et, nous savons que « l’anglais scientifique » ou « l’anglais des affaires » relèvent également d’un processus d’objectivation et de neutralisation du langage en tant que fait de culture ; les sciences positives, à travers le scientisme, cet intégrisme/sectarisme scientifique, ne sauraient souffrir l’ambiguïté des mots, de leur réalité historique [...]. p. 130-131.

La place de English, et plus particulièrement de la littérature étrangère, dans ce processus de libéralisation de la culture et de l’enseignement, prend une force critique et de résistance particulièrement efficace, de lutte contre « la réification du langage » (et donc encombrante et à éradiquer ?) dans la mesure où elle confronte le sujet à un travail d’altérité redoublé, celui de la confrontation à un discours « étranger », le discours littéraire et à une langue étrangère. Double opacité, double obstacle à la compréhension immédiate, à la production du sens, et du sens complexe qu’elle requiert. Cette confrontation à ce qu’on ne comprend pas est d’une violence qu’on a tort de sous-estimer, c’est la situation normale de l’apprenant comme du chercheur. Elle est essentiellement formatrice. C’est une posture d’humilité, de confrontation à sa propre ignorance et incompétence. Situation qui n’est absolument pas valorisée par la société actuelle qui demande des résultats immédiats. L’ambiguïté du sens dans le discours, la complexité de la signifiance sont donc inacceptables. Et pourtant indispensables à la constitution d’un sujet libre car critique.
Autre point non négligeable, la paupérisation des étudiants et des enseignants, la guerre économique qui leur est faite (faire des études en sciences molles est devenu une sorte de privilège inacceptable ou un choix de parfait crétin qui n’a rien compris au système) sert à décrédibiliser plus encore les individus qui portent ce projet car on vaut ce qu’on gagne et l’idée que ce qui est bien payé est ce qui a de la valeur implique qu’aujourd’hui les travailleurs dans ce secteur sont dévalorisés.

2:03 PM  

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