Thursday, April 12, 2007

Communication et idéologie

C'est ce que je voulais commencer à sentir. Par où entrer dans cette intuition de la charge idéologique forte associée au thème de la communication, et l'hésitation et la curiosité que j'ai par rapport, par exemple - je m'en sers pour symptôme - à la création toute récente de l'UFR Culture et Communication de Paris 8. Transformation d'Infocom, en place depuis les années 1980.

A. & M. Mattelart (Histoire des théories de la communication) indiquent bien ce plan constamment présent, et la carrière de leur travaux (je cumule les deux) en fait une sorte de chronique, de titre à titre, de décennie en décennie :
1974 : Mass media, idéologies et mouvement révolutionnaire (Anthropos)
1976 : Multinationales et systèmes de communication ( " )
1979 : De l'usage des médias en temps de crise (A. Moreau)
1983 : La Culture contre la démocratie? L'audiovisuel à l'ère transnationale (avec X. Delcourt, La Découverte)
1992 : La Communication-monde. Histoire des idées et des stratégies (La Découverte)
1999 : Histoire de l'utopie planétaire. De la cité prophétique à la société globale ( " )
2002 : La Mondialisation des médias contre la censure (INA/De Boeck)
2003 : 2001 Bogues. Globalisme et pluralisme, 4. Communication, démocratie et globalisation. (avec G. Tremblay, PULaval)

Médias, mass media, audiovisuel - communication, culture, démocratie. Et globalisation.
Aussi : la technologisation du point de vue. Processus de neutralisation.
Communication : problème de société, d'interhumain, de culture, de collectif (public, foule, masse, global) - et problème du rapport de la technique, et de l'historicité que force l'innovation, au social.
Question de la modernité du social. Avec ses modes de domination (ou comme mode de domination), et de résistance. Une arène de tension, champ pour un rapport de forces, impressionnants. Problème du contrôle, de la régulation sociale.

L'histoire de la valence idéologique dans les discours et les professionnalisations de la communication en passe par la guerre froide (avec le Tiers-Monde), et par la critique des années 60.
Disons, pour commencer, trois positions repérables :
  1. la communication comme valeur libérale, puis néolibérale : le laisser-passer du commerce au 19ème (avec sa psychologie des foules, défensive ; et sa science sociale comme discipline), la logique fonctionnaliste de la Mass Communication et de l'innovation (modèle diffusionniste, théorie de l'information) associée à la politique du développement (rapports Nord-Sud et modèle de la domination), social engineering et "recherche administrative", ou "empirique", pour un contrôle social (dynamiques de la propagande et de la culture de masse comme produit démocratique - rapport de guerre froide), positivisme gestionnaire. La technique comme masque de la tension politique : donnée comme solution, neutralisant.
  2. utopies libertaires, et la bascule habituelle entre le libertaire et le (noé)libéral : le réseau, le globalisation, le cyborg et la postmodernité. Odd mixed bunch. Dont le bigaré n'est justement pas une anomalie : il est crucial, et éloquent.
  3. diverses échappées critiques : théorie critique, structuralisme, cultural studies anglaises, le "retour du quotidien" ou du sujet en interaction sociale, point de vue ethnométhodologique et de la réception,
Une position des Mattelart, critique : simplement montrer les pans critiques : les implications néolibérales, et les espaces de respiration et énergies de résistance, vie politique. Je cite de leur conclusion, organisée autour de la tension, historique, entre progrès et communication - càd traçant légèrement comme une ligne de succession entre un âge de la modernité positive (avec ses disciplines et ses impérialismes, ses guerres tranchées) et un présent marqué au sceau idélogique, apparemment doux décentralisé et déhiérarchisé (mais aussi dépolitisé, soit profondément idéologique), de la communication - on peut dire aussi, de la culture. Organisant aussi, par là, une histoire intellectuelle, histoire du savoir-pouvoir :

"Les sciences de l'homme et de la société se sont de la sorte rapprochées du 'sujet ordinaire'. / Mais dans ce trajet, certaines questions sur le rapport des intellectuels et de la société se sont estompées. La crise des utopies et des alternatives a atteint la notion de travail critique. [...] positivisme gestionnaire [.], nouvel utilitarisme, [.] stimule la recherche d'outils épistémologiques permettant de neutraliser les tensions à travers des solutions techniques. [...] montée en puissance des discours d'expertise [.], 'mise en métier' accrue des activités de communication [.] légitime des modèles
d'organisation [...]. [...] la société civile organisée [fait graduellement] entendre sa voix, et pren[d] conscience de l'importance de la question technique pour le devenir de la démocratie. [Forces de résistance, et "enjeu politique et intellectuel" :] concepts de droit à la communication, participation, société civile, service public, intérêt (public, diversité culturelle [...].
L'ère de ladite société de l'information est aussi celle de la production d'états mentaux. Il faut donc penser différemment la question de la liberté et de la démocratie. La liberté politique ne peut se résumer au droit d'exercser sa volonté. Elle réside aussi dans le droit de maîtriser le processus de formation de cette volonté." (104-105)

I'm not sure that I quite see the ultimate pertinence of this last state of thinking : quel sujet maîtrise un processus social culturel politique ? Alors c'est, en effet, une politique un mode politique qui cherche sa gravité : la résistance communicationnelle, soit l'appropriation (le mot est clé dans le livre) des modes et pratiques, oui.

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