Tuesday, January 23, 2007

Université et société - recherche et R&D

Après la première séance du séminaire Actualité critique de Polart ce 12 janvier, travaillant en amont pour le préparer mais surtout récoltant les premiers effets du croisement dans l’espace collectif, il me semble que se fraye une réalisation : que les champs de la recherche ont bougé très profondément, et que la fragilité de l’institution universitaire maintenant vient de ce qu’elle est being drained d’énergie sociale par les formes néolibérales du savoir qui passent en fleuve rapide, en crue, et reforment le paysage avec une force et une rapidité impressionnantes. Il faut regarder ces nouvelles dispositions en cours, currency, qui sont moins un changement que simplement la sensation, particulièrement significative, du changement – pour moi cet apprentissage. Les forces sociales. « En marche », dit Tocqueville. [Attention à "force" et son sillage libéral - vs "histoire", la contradiction marxiste et l'historicité du sens.]
Bill Readings écrit que si le radicalisme de la théorie (féminisme, marxisme et ses suites, élaborations critiques sur le postcolonial, gender, race, queer) peut avoir une vitrine universitaire en Amérique depuis quelques décennies (comment le dater ? La révolution néolibérale de Reagan ?) , c’est que la valeur sociale s’en retire, et que les enjeux se dissipent, se déportent ailleurs. Si le discours universitaire perd de son importance, il peut se mettre à parler dans le vide, et libre à lui de se payer de rhétorique critique. Lion in The Wizard of Oz.
Je crois que c’est lui aussi qui parle, en 1996, de la prolétarisation des universitaires. Un article du Monde de samedi publie les chiffres d’une enquête sociologique sur le pouvoir d’achat des enseignants en France : dans le supérieur, moins 20% depuis je crois 1981 ? pour les professeurs, moins 16% pour les maîtres de conférence.
L’article de Christian Salmon dans le Monde diplomatique de novembre 2006 (« Une machine à fabriquer des histoires », 19-20) sur le storytelling comme concept de management, et nouveau paradigme pour toute un éventail de pratiques professionnelles du discours, m’apprend beaucoup. Le management, le savoir des business schools, maintenant, sont les producteurs des concepts qui pensent la société – concepts that we (have to) live by. Et la société pensée comme « société » : corporation, organization. La firme comme modèle pour une sociologie et pour une société. Juste à côté de ça, vient se placer comme élément du système : les lieux du savoir qui compte – celui qui a une valeur sociale, qui n’a pas à se batailler contre le scrupule de « tour d’ivoire » (l’irritation de rencontrer ça encore à l’œuvre dans les défenses de la théorie, défenses de l’université, et tentatives pour formuler une vision de l’articulation de l’université avec la culture – chez Gerald Graff). Les business schools (les « chercheurs en management », dit Salmon) et les séminaires de management, leur littérature, leur morale du sujet et de l’intersujet, leur politique du privé (le contrat privé, l'évaluation, l'indicateur, accountability, good practice, la charte, le service universel comme autre du service public...) ; les think tanks (j'en ai entendu parler à l'arrivée de Thatcher), les réseaux d’experts (« experting », j’entends à la télé hier soir, dans une parodie) ; les sociétés de Recherche et développement enfin. C’est là que j’aboutis. La recherche, déportée des universités vers Mitre Corporation, vers Applied Minds Inc., … Où on travaille beaucoup la communication et l’information. Les disciplines pour le présent politique, mondialisé.
Voir aussi : Les Dossiers de la mondialisation, dans Manière de voir de janvier. Je ne crois pas qu’il y ait un pan sur le savoir dans le volume – sur la commercialisation des formations et des diplômes, leur exportation, etc. Travail à faire, ou à trouver fait.

Université et société : la question du travail. Et du capital. Et la valeur sociale.

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