Friday, August 25, 2006

L'université et le travail

Mon point de départ: l'hypothèse (suivant Daniel Cohen) des "périodes" modernes d'organisation du travail. D'abord, période industrielle avancée, le Fordisme structure les grandes entreprises, usines et institutions selon un modèle très hiérarchisé du travail, où les tâches sont distribuées de manière à "rentabiliser" les gestes ou actions des travailleurs, ce qui demande une spécialisation élevée de chaque poste. Ce type d'organisation part des usines mais contamine le tertiaire. On considère que la rentabilité est dans: la limitation de l'information à traiter pour chaque travailleur, et le perfectionnement dans l'accomplissement de tâches très spécifiques. Le "cadre", quant à lui, doit pouvoir superviser des actions multiples, mais dans des domaines définis. Ce qui caractérise l'emploi du "cadre" c'est justement la visibilité globale du fonctionnement général de l'entreprise ou de l'institution, ou de la chaîne de production. (Mais relatif au niveau)
Deuxième étape: fin du 20ème siècle, la "révolution" de l'information et informatique bouleverse la distribution traditionnelle des tâches SURTOUT dans le tertiaire mais aussi dans l'industrie. On considère dorénavant que la circulation de l'information (concernant la production, ou les objectifs de l'entreprise, évidemment) est la clé de la rentabilité. Cette information doit donc être maîtrisée par les employés quel que soit leur niveau, pour que leur "input" puisse être amélioré. L'idée (implicite, et telle que décrite par Daniel Cohen) étant qu'il faut au maximum limiter les "temps morts" dans le travail des employés, donc les rendre compatibles avec autant de fonctions que possible. Dans cette période de "post-fordisme", de multiples organismes, entreprises etc. ont procédé à des "réorganisations" du travail (un terme qui m'est bien familier, c'était la maladie qui courait dans toutes les grandes institutions de Washington dans les années 80). Ces réorganisations ont aidé aux dites entreprises à être compétitives, au prix peut-être de la santé des salariés.
Mais c'est logique car l'autre changement du post-fordisme, c'est que les directeurs d'entreprise sont plus des actionnaires que des salariés (contrairement à la période précédente). Leur action sur l'entreprise est plus axée vers la plusvalue générale d'un portefeuille souvent diversifié, que le bien-être au sein d'une même entreprise. eux peuvent toujours se recaser ailleurs.
Transposition au Universités: pas besoin d'être génial pour voir que la distribution du travail au niveau administratif, secrétarial, services divers, est structuré selon un principe fordiste: limitation des tâches et spécialisation. Cloisonnement des services, ignorance de comment ça se passe à côté voire on s'en fout, et pourquoi. Ce cloisonnement touche aussi les enseignants-chercheurs: qui a une vision générale de la grosse machine en y entrant, quelle université se préoccupe de décrire son fonctionnement interne? QUESTION: comment la "démocratie" universitaire peut-elle fonctionner dans ces conditions? Système fordiste==aussi, hiérarchie stricte, et fait du prince.... Ignorance politique.
Puis vient cahin caha, la nécessité de la "réorganisation": on commence par les plus individualistes, les moins syndiqués (un des avantages du fordisme, je pense, c'est qu'entre travailleurs spécialisés on s'unit): les enseignants chercheurs. La "révolution" de l'information permet l'explosion des tâches à accomplir, mais dans une illusion d'information, comme dans toute entreprise: à savoir que l'information qui circule est celle qui pourra mener au travail continu - au maximum. Donc: le temps^doit être compté, les compétences ouvertes au maximum: montage de projet, fabriquer les emplois du temps, mettre les cours en ligne, faire un budget, etc: l'enseignant chercheur modèle a un profil, c'est celui du "polyvalent". Et comme les cadres supérieurs, ils doivent être "experts" dans un domaine (mais on ne dit pas comment ils trouvent le temps de le devenir).
Donc deux ordres de travail tirent l'université à hue et à dia: l'inertie du fordisme, de la division des tâches à l'outrance qui provoque un certain aveuglement et détruit la vision globale de l'institution, d'une part. Et d'autre part le post-fordisme avancé par les réformes et les ministères comme structure idéale même pour le contenu des enseignements: polyvalence - bon an mal an "poussé" par certains cadres de l'université. But: compétivité. Effet interne: destruction de la recherche.
(vite dit, à étudier.)
E.L.B.

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